CamerounOnline.ORG | Selon Crux, l’archevêque Samuel Kleda de Douala a adressé l’une des critiques les plus directes à l’encontre du gouvernement du président Paul Biya, en publiant le 8 août 2025 une lettre pastorale de 16 pages — à seulement deux mois du scrutin présidentiel prévu le 12 octobre prochain. Dans ce texte, il dénonce ce qu’il considère comme une profonde dégradation morale et institutionnelle sous la gouvernance de Biya, et ce, malgré les importantes ressources naturelles du Cameroun.
« Notre société est secouée par de multiples maux qui affectent toutes les couches sociales », écrit Kleda, dressant un tableau sombre marqué par un chômage chronique, la corruption, les inégalités sociales et une perte croissante de confiance envers les institutions publiques. Il met en cause une mauvaise gestion gouvernementale qui, selon lui, a gâché des décennies d’occasions de développement réel.
Le président Paul Biya, âgé aujourd’hui de 92 ans, dirige le Cameroun depuis 1982, ce qui fait de lui l’un des dirigeants les plus anciens au pouvoir dans le monde. En plus de critiques récurrentes sur son emprise sur la vie politique, il fait face à des accusations concernant un processus électoral largement favorable aux sortants et une faible tolérance à l’égard des voix dissidentes. Son gouvernement peine également à contenir le conflit séparatiste dans les régions anglophones, débuté en 2016 et ayant déplacé des centaines de milliers de personnes.
L’Église catholique, à laquelle environ un tiers de la population camerounaise appartient, a historiquement cherché à concilier défense des valeurs morales et prudence sur le terrain politique. Ce n’est cependant pas la première fois qu’elle prend position. Dans les années 1990, au moment des mouvements pro-démocratie, les évêques avaient appelé à plus de transparence et au multipartisme. Plus récemment, ses dirigeants se sont exprimés sur l’équité des scrutins et sur les conséquences humanitaires de la crise anglophone.
La nouvelle lettre de Kleda s’inscrit dans cette tradition d’engagement, mais adopte un ton inhabituellement pressant. Il appelle les citoyens à participer activement à la construction de l’avenir national, en choisissant des dirigeants dotés d’intégrité, de vision et d’un véritable sens du bien commun. Bien qu’il ne déclare pas explicitement que Biya est inapte à gouverner, son texte laisse peu de doutes sur sa position vis-à-vis de l’orientation actuelle du pays.
À l’approche du scrutin, cette intervention pourrait donner un poids moral supplémentaire aux voix de l’opposition et nourrir le débat public. Reste à savoir si elle influencera réellement l’issue de l’élection, mais son timing laisse penser à une volonté claire de pousser dirigeants et citoyens vers un changement significatif.