DW | L’avocate Alice Nkom critique la gestion du Cameroun et annonce une campagne de sensibilisation des candidats au profit des Droits des électeurs.
Avocate camerounaise de renom, Alice Nkom dirige le réseau des défenseurs des Droits humains en Afrique centrale (Reddhac). Alors que le Cameroun s’apprête à aller aux urnes en octobre pour élire le président de la République, et que le dépôt des candidatures est lancé, Maître Alice Nkom annonce vouloir organiser une campagne.
Cette campagne est destinée à accompagner les projets de société des différents candidats et les sensibiliser aux préoccupations des Camerounais. Parmi ces préoccupations, les droits et libertés sont en bonne place. Les décennies précédentes ont apporté beaucoup de déception, estime l’avocate Alice Nkom.
Lisez ou écoutez son interview ci-dessous !
Avocate camerounaise de renom, Alice Nkom dirige le réseau des défenseurs des Droits humains en Afrique centrale (Reddhac). Alors que le Cameroun s’apprête à aller aux urnes en octobre pour élire le président de la République, et que le dépôt des candidatures est lancé, Maître Alice Nkom annonce vouloir organiser une campagne.
Cette campagne est destinée à accompagner les projets de société des différents candidats et les sensibiliser aux préoccupations des Camerounais. Parmi ces préoccupations, les droits et libertés sont en bonne place. Les décennies précédentes ont apporté beaucoup de déception, estime l’avocate Alice Nkom.
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DW : Alice Nkom, bonjour !
En octobre, la présidentielle au Cameroun. Est-ce que vous avez l’impression que les préoccupations liées aux Droits de l’homme sont en train de se révéler dans les discours des acteurs politiques qui se manifestent pour briguer la magistrature suprême au Cameroun ?
Alice Nkom : Alors, les élections qui arrivent, moi j’avoue qu’elles me font peur.
DW : Pourquoi ?
Alice Nkom : Parce qu’elles arrivent après que la même personne, qu’on va élire cette année, le président de la République, a occupé le même poste pendant 43 ans, ça laisse forcément des traces. Donc aujourd’hui, on peut le sentir dans la société.
Il y a un un ras-le-bol qui ne dit pas son nom. Les gens ont soif de changement et tout de suite. Je sais qu’en face, le président de la République s’est promis de mourir au pouvoir. C’est clair, ça se voit. Il a aujourd’hui plus de 90 ans, il va être candidat probablement. Il ne l’a pas dit mais il y a des signes qui ne trompent pas.
DW : On ne sait pas, ça peut être aussi son fils (Franck Biya, ndlr) ou quelqu’un du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, ndlr).
Alice Nkom : Pour moi, je vous donne ma pensée, ma vision après l’analyse de ce que je vois. Le président de la République n’a pas l’intention de rejoindre son peuple dans le peuple, il sait que c’est la souffrance là-bas, à cet étage où nous-nous trouvons, il sait que le salut, c’est là où il est.
DW : Pourtant, il y a une vie après le pouvoir ?
Alice Nkom : Oui, mais ça, c’est vous qui le dites. Sinon pourquoi il a mis 43 ans au pouvoir ? Pourquoi il a été candidat pendant 43 ans ?
DW : Certains parlent de son entourage qui ne souhaiterait pas qu’il quitte.
Alice Nkom : Comment son entourage ? C’est lui le président, c’est lui qui a un contrat avec nous, avec le peuple. L’entourage, c’est qui ? On le connaît pas ! Et puis je ne vois pas le président Biya, tel que je l’ai analysé tout le long de son parcours à la présidence de la République, en train de se laisser influencer par un entourage qu’il a nommé.
Il faudrait d’ailleurs que pendant la campagne que je vais faire cette fois-ci pour accompagner les messages des candidats, tous, en m’adressant à la société civile, c’est-à-dire le corps électoral, les électeurs. Ce sont eux qui exercent ce fameux pouvoir souverain dont on parle souvent et dans lequel on ne donne aucun contenu.
Il faudrait que cette année, on laisse le peuple exercer son pouvoir souverain au moment où il est appelé à nommer par son vote le président de la République, le gestionnaire de sa vie pendant sept ans.
DW : Plusieurs choses transparaissent, Maître Nkom, dans ce que vous dites. Vous parlez des électeurs. N’ont-ils pas toujours eu le droit de s’exprimer ? Quel est le problème qui s’est souvent posé selon vous ?
Alice Nkom : Non, le régime du président Biya – et c’est pour cela que je ne suis plus avec lui, j’ai voté pour lui plusieurs fois comme pour la précédente élection – mais je vois que c’est quelqu’un qui ne tient pas compte de son peuple. Et je défie quiconque de dire que ce que je dis n’est pas fondé.
Il faut qu’il arrête avec les fraudes électorales. Il y a une machine à fraude qui est là, que tout le monde peut apercevoir d’abord dans les textes, dans les nominations des personnes qui sont chargées d’accompagner les électeurs, les votes, les bulletins et tout. Et ceux qui sont là pour proclamer les résultats. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que, quel que soit ce que le peuple peut avoir fait en allant massivement voter, si c’est contre lui (Paul Biya, ndlr), le président du Conseil constitutionnel qui proclame les résultats peut prendre les chiffres de l’un et proclamer que ce sont les chiffres de l’autre. C’est là et c’est préparé pour ça.
DW : Revenons, Maître Alice Nkom, à la question de départ, celle de savoir si les préoccupations liées aux droits et libertés commencent à sortir dans les discours des acteurs politiques. C’est la question qui vous a fait évoquer Paul Biya. On dirait qu’il concentre tout ?
Alice Nkom : Il n’y a pas de séparation des pouvoirs au Cameroun, pas du tout.
DW : Mais est-ce que les autres qui veulent être présidents disent des choses qui vous rassurent sur le plan des Droits de l’homme ?
Alice Nkom : Mais oui, bien sûr, ils disent, mais il faut savoir que chacun parle. Mais on ne sait pas encore si les personnes qui parlent aujourd’hui, qu’on considère comme des candidats de demain, on ne sait pas s’ils le seront vraiment. Parce qu’il y a encore beaucoup d’obstacles à franchir !
DW : Il y a Maurice Kamto du MRC, il y a Joshua Osih du SDF…
Alice Nkom : Oui bon, peut-être Joshua Osih n’a pas le même problème qu’un Kamto !
DW : Vous parlez de Maurice Kamto et ses problèmes, quel problème a-t-il ?
Alice Nkom : Le problème de Kamto, c’est qu’ il a le tort d’être un candidat sérieux parce qu’il draine des foules incroyables, que ce soit ici à Paris ou à l’international.
Et en plus il a fait un détour, il a été nommé ministre délégué à la Justice, donc il sait comment ça fonctionne à l’intérieur du système. Pour Paul Biya, c’est un candidat sérieux ! Et il a peut-être 10 ans ou 15 ans de moins que Biya.
DW : Maître Nkom, merci !
Alice Nkom : Merci beaucoup.
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